Changer les mentalités… dans les cégeps du Québec?
La crainte de l’étiquetage associée au trouble mental est très grande, et c’est ce qui explique en grande partie que l’on soit si réticent à dévoiler ses difficultés à ses amis, à sa famille et à des professionnels de la santé. La stigmatisation associée au trouble mental est un enjeu majeur, mais le plus souvent invisible. Pourtant, elle a de graves impacts psychosociaux sur la personne atteinte, et ce, dans plusieurs sphères de sa vie. Il arrive fréquemment que les personnes souffrant d’un trouble mental nous disent même que la stigmatisation et la discrimination leur sont plus pénibles que le trouble lui-même.
Heureusement, de plus en plus d’acteurs d’horizons divers reconnaissent que la lutte contre la stigmatisation et la discrimination mérite toute notre attention, au même titre que les soins et services en santé mentale. En 2009, la Commission de la santé mentale du Canada marquait un pas déterminant en ce sens en lançant l’initiative Changer les mentalités, la plus importante démarche jamais entreprise au Canada en vue d’éradiquer la stigmatisation associée aux troubles mentaux. Cette initiative d’envergure vise quatre cibles jugées prioritaires, notamment les jeunes.
Les milieux collégiaux du Québec peuvent-ils encourager les étudiants à parler ouvertement et positivement des troubles mentaux et à adopter des attitudes et comportements respectueux à l’égard de ceux qui sont touchés par ces troubles? Des initiatives menées en contexte scolaire ont produit des résultats prometteurs. Par exemple, trois évaluations (Boyer, 2002; Lesage, 2011) ont conclu à l’efficacité du programme Solidaires pour la vie, qui vise la démystification des maladies mentales, la reconnaissance des signes et symptômes de la dépression et la demande d’aide chez les jeunes de 14 ans et plus. Les effets positifs d’une intervention fondée sur le contact ont également été observés dans une université de l’Alberta (Lillie, 2011). Basé sur une rencontre suivie d’une période d’échanges entre des personnes ayant un trouble mental et des étudiants, ce type d’intervention est déjà reconnu pour avoir du succès auprès d’élèves du secondaire (Stuart, 2006; Pinfold, 2005).
Dans le futur, les milieux collégiaux pourront bénéficier de davantage de ressources. À l’issue d’une vaste opération d’évaluation de projets partout au Canada, Changer les mentalités permettra de mettre au point des outils de lutte contre la stigmatisation fondés sur les pratiques les plus prometteuses. Un appui en toute cohérence aux efforts déployés par les milieux collégiaux pour prévenir le suicide, un des enjeux prioritaires de l’heure. À suivre de près!
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2 commentaires pour "Changer les mentalités… dans les cégeps du Québec?"
Sans aucun doute, la lutte contre la stigmatisation de la santé mentale est indispensable au bien-être des québécois. À la lecture de votre blogue, j’ai trouvé votre texte très intéressant, et par le fait même, j’ai eu la curiosité d’en apprendre davantage sur le projet « Changer les mentalités ». De la sorte, je suis allée consulter le document, et bien qu’agréablement surprise par les intentions du rapport et les nombreuses organisations et partenaires mobilisés à cet effet, j’y ai remarqué quelques lacunes. Plusieurs étaient déjà mentionnées dans le rapport, par contre je reste avec quelques interrogations concernant la section ciblant les jeunes, justement. Peut-être est-ce naïf de penser ainsi, par contre, j’ai constaté dans le rapport qu’il ne stratifie pas la « population des jeunes » en groupes d’âges distincts. C’est-à-dire, qu’à mon avis, les problématiques de stigmatisation de la santé mentale ne sont pas les mêmes à l’école primaire, secondaire, et au niveau collégial. La visibilité des services et de ceux qui les fréquentent n’est pas la même, la structure et l’organisation de l’établissement scolaire non plus, telle que les heures de cours et les horaires qui rendent l’accessibilité aux étudiants plus instable et difficile, les professionnels de la santé présents non plus, et la maturité intellectuelle et émotionnelle des élèves, encore moins (Ebbeling, Pawlak, & Ludwig, 2002). Toutefois, ceci change les cibles d’intervention en prévention des gestes stigmatisant. Toutefois, le rapport souligne lui-même qu’il ne s’est pas penché sur les enfants au primaire, par contre les approches et partenaires mobilisés devraient être adaptés au milieu du secondaire et collégial. À titre d’exemple, la participation des parents à l’effet de sensibiliser leurs enfants aux méfaits et conséquences négatives de la stigmatisation en santé mentale ne sera pas de même nature avec des enfants de groupes d’âges différents. De plus, j’ai remarqué dans les exemples d’énoncés du questionnaire sur l’acceptation sociale qu’ils comportent tous le thème de « maladie mentale », mais qu’en est-il des « troubles mentaux », et des « problèmes psychologiques » (Changer les mentalités, 2013)? Peut-être que « l’effet de poids » de ces mots serait différent sur la perception des jeunes des stéréotypes en santé mentale? Encore une fois, il ne s’agit que « d’hypothèses grossières », par contre je crois qu’elles mériteraient d’être considérées. En résumé, ce rapport est fort intéressant et prometteur, cependant je crois qu’il doit remédier à cibler plus précisément ses populations cibles, afin que les collégiens soient d’autant plus touchés par la lutte contre la stigmatisation en santé mentale.
Sources:
Ebbeling, C. B., Pawlak, D. B., & Ludwig, D. S. (2002). Childhood obesity: public-health crisis, common sense cure. Lancet, 360(9331), 473-482. doi: 10.1016/S0140-6736(02)09678-2
Changer les mentalités, rapport provisoire. Calgary : Commission de la santé mentale du Canada, 2013.
Merci Mme Côté-Boileau pour votre commentaire détaillé. Je suis tout à fait d’accord avec vous sur le fait que la lutte à la stigmatisation reliée à la santé mentale doit être adaptée au contexte et aux particularités de chaque niveau d’enseignement, pour l’ensemble des motifs que vous évoquez. Cependant dans le cadre précis de la campagne « Changer les mentalités », il est question d’un seul niveau d’enseignement, puisque ce sont les jeunes de 12 à 18 ans qui sont ciblés. On peut questionner à cet égard le fait que l’on n’ait pas étendu le groupe cible jusqu’à 25 ans- considérant la hausse fulgurante d’étudiants ayant des troubles mentaux qui fréquentent un établissement postsecondaire, et l’ajustement que peut impliquer dans diverses sphères de la vie la présence d’un trouble mental apparu avant 18 ans, de surcroît en pleine période de développement et d’actualisation sur plusieurs plans. Je trouve aussi très intéressant votre questionnement sur « l’effet de poids » des mots. Est-ce que l’on tient suffisamment compte de cette dimension particulièrement importante en santé mentale, compte tenu de la connotation péjorative encore trop souvent associée aux troubles mentaux? Je ne crois pas. En relisant le rapport provisoire de la Commission de la santé mentale à la lumière de votre questionnement, j’ai remarqué que l’expression « maladie mentale » était celle qui était très largement employée tout au long du document. Il semble que la Commission ait privilégié cette expression dans le contexte de la campagne, ce qui pourrait se refléter dans le choix des mots du questionnaire auquel vous référez.
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